♣ Le poste

Il était tôt et, pourtant, la plupart des chaises qui avaient été disposées en rangées au centre de la pièce étaient occupées lorsque Jade poussa les lourdes portes du centre de recrutement. La jeune femme s'immobilisa un bref instant, puis feignant de sortir un document de son sac à main, elle jeta un coup d’œil furtif aux dizaines de personnes qui s'étaient tournées vers elle.

La pièce était lumineuse, toutefois, le silence de mort qui y régnait la rendait froide. La tension était palpable; tous étaient ici pour la même raison, mais un seul obtiendrait ce qu'il désirait : un poste de secrétaire pour le lieutenant administratif Edgard Watson. Personne ne savait le genre d'affaires qui lui étaient confiées, mais sa renommée était telle que cela importait peu. Tout ce qui comptait était de faire partie de son équipe. Pour Jade, ce poste représentait non seulement une occasion en or pour accéder aux rangs supérieurs, mais il lui offrait aussi l’opportunité de s'émanciper de sa famille. Grâce aux revenus et aux avantages sociaux que lui conférerait ce poste, elle n'aurait plus besoin de la protection de son père. N'allez surtout pas penser qu'elle souhaitait renier sa famille, loin de là. Elle avait toujours tout fait pour les rendre fiers et elle adorait ses parents. Seulement, elle n'avait que cela : ses parents, la réputation de sa famille et sa carrière. Elle n'avait aucun véritable ami - mis à part son flubber - et elle passait tellement de temps à bosser qu'elle ne sortait pour ainsi dire jamais.

♣ La relique

Jusqu'à tout récemment, cela lui convenait parfaitement. Sa vie était morne et routinière, mais elle ne manquait de rien, était en parfaite santé et ne vivait aucune de ces situations compliquées qu'entraînent immanquablement les relations humaines. Ce n'est qu'après avoir mis la main par hasard sur une relique du monde ancien qu'elle s'était mise à ressentir une sorte de vide, un vide qui la hantait de plus en plus chaque jour. L'objet n'avait rien de bien extraordinaire, juste un vieux carnet abîmé qui avait appartenu à l'un de ses ancêtres et, pourtant, il l'avait complètement bouleversée. Jade l'avait trouvé dans une vieille malle abandonnée dans le grenier de sa maison alors qu'elle cherchait désespérément l'un de ses livres d'université.  Le carnet était verrouillé sur le côté, mais elle n'avait pas eu à fournir de bien grands efforts pour l'ouvrir. Le verrou était tellement usé qu'il avait cédé sous ses doigts. Curieuse, elle s'était mise à tourner les pages, puis elle n'avait pu s'arrêter avant d'avoir lu tout ce que contenait le carnet. Il lui avait fallu quelques jours pour y arriver. Le texte avait été écrit à la main et était donc plus difficile à lire, sans oublier que certains mots lui étaient inconnus. Il lui avait fallu un moment, mais elle avait fini par comprendre qu'il s'agissait d'une sorte de journal dans lequel quelqu'un avait consigné les moments importants de sa vie, les bons comme les mauvais. Dans les semaines qui avaient suivi sa découverte, Jade n'avait cessé de lire et de relire le petit carnet, mais ce qu'elle préférait par-dessus tout, c'était de regarder encore et encore les photos qui avaient été collées ça et là au milieu des pages. Elle ne le voyait pas encore, mais ce simple carnet la changeait. Il lui donnait envie de connaître plus, de vivre, d'être libre, mais elle restait raisonnable. Ce n'était toutefois qu'un commencement...

♣ Le recrutement

Ses yeux quittèrent les dizaines de visages qui la fixaient d'un air à la fois anxieux et austère, puis se posèrent sur la dame assise derrière un comptoir au fond de la salle. Jade se redressa, puis d'un pas assuré, elle s'avança vers celle-ci, ses talons résonnant contre le marbre froid du plancher. Son cœur battait à vive allure, mais elle n'en laissait rien paraître. Elle devait avoir l'air sûre d'elle, c'est ainsi qu'elle avait toujours obtenu ce qu'elle désirait. Elle ne s'arrêta qu'une fois arrivée au comptoir, ignorant maintenant tous ces gens qui la regardaient. Elle baissa les yeux sur la dame qui se tenait devant elle et d'une voix assurée, lui dit:

- Bonjour. Je viens rencontrer M. Watson.

Il fallut un petit moment avant que la dame, Dorothee Roosevelt, tel que l'indiquait le badge sur son chemisier, ne lui réponde sans même un regard:

- Désolée, vous arrivez trop tard. Tous les rendez-vous ont déjà été pris.

Le sourire qui se dessinait quelques instants plus tôt sur le doux visage de Jade s'effaça brusquement. Sa mâchoire se crispa et elle dut tourner sa langue plusieurs fois dans sa bouche pour retenir la vague de colère qui était montée tout aussi brusquement en elle. Jade prit une grande respiration, puis se ressaisit. Ce n'était pas en s'attaquant à la pauvre dame qu'elle obtiendrait ce qu'elle voulait. Il fallait se montrer plus rusée. Les pensées défilaient à une vitesse folle dans sa tête et bientôt, elle se résolut à jouer une carte qu'elle aurait préféré éviter. Elle sourit de nouveau et d'une voix mielleuse, elle se lança.

- Que je suis bête! Avec tous ces regards, j'en perds mes bonnes manières. Mme Roosevelt, c'est bien cela? Je me présente : Jade Morgan.

Elle tendit une main vers la dame et n'eut pas à attendre cette fois. Ses paroles avaient eu l'effet désiré. Mme Roosevelt se redressa sur sa chaise comme si elle avait soudainement été piquée par je ne sais quel moustique et s'empressa de serrer la main de la jeune femme.

- Mlle Morgan! Mille excuses! Je ne vous avais pas du tout reconnue. Comme vous avez changé! Plus du tout l'enfant que j'ai aperçue quelques fois au bras de son père. Mais quelle belle jeune femme vous êtes devenue! Le portrait craché de votre mère. Je vous prie de bien vouloir pardonner mes maladresses...

Jade ne se souvenait pas avoir déjà rencontré la vieille dame qui se tenait devant elle, mais la simple évocation de son nom de famille avait eu l'effet escompté. Il faut dire que les Morgan avaient une position plutôt favorable dans la société. Ils étaient riches, très riches et donc, par le fait même assez puissants. À la Phantom, ils étaient même une sorte de légende, la famille s'y étant impliquée de père en fils depuis le tout début. Fille unique, Jade n'avait eu d'autre choix que de poursuivre la tradition et elle ne s'en était jamais plainte.

- Ce n'est rien Mme Roosevelt, ce n'est rien. Je comprends parfaitement la situation. Je suis consciente que l'horaire de M. Watson est déjà bien chargé, seulement, j'aurais sincèrement aimé avoir la chance de le rencontrer. Je suis certaine que si vous regardez bien, il restera une petite place pour moi.

Jade souriait toujours, mais sa voix et son regard indiquaient clairement qu'elle ne tolèrerait pas de refus. Mme Roosevelt sourit nerveusement, puis pencha la tête sur son écran.

- Bien sûr Mlle Morgan, bien sûr... Voyons voir... Oui! Si vous voulez bien vous asseoir quelques instants, M. Watson pourra vous rencontrer dans quelques minutes, juste le temps de terminer l'entretien qui est en cours.

Mme Roosevelt releva la tête, son sourire nerveux toujours affiché sur ses lèvres. Celui de Jade était maintenant triomphal. Tout s'arrangeait. Elle acquiesça d'un signe de tête, puis remercia Mme Roosevelt avant d'aller s'asseoir. Comme promis, la porte du bureau de M. Watson s'ouvrit quelques minutes plus tard et Jade y fut invitée.

- Bonjour Mlle Morgan. Vous me voyez bien honoré de vous rencontrer. Il y a longtemps que j'attends ce moment, je dois dire. Dites-moi, que puis-je faire pour vous?

M. Watson referma la porte et se dirigea vers son fauteuil, invitant Jade à s'asseoir d'un geste de la main. Le vieil homme souriait. Il semblait sincèrement heureux de la rencontrer. Son regard était rassurant, ce qui ne manqua pas de calmer la jeune femme. Prenant bien soin de garder un air à la fois assuré et distingué, Jade s'installa dans le fauteuil face au bureau. Elle plongea son regard dans celui de M. Watson et avec un léger sourire en coin, elle lui répondit honnêtement:

- En fait, je viens pour l'entrevue.

Elle n'eut pas le temps d'en dire plus, elle fut interrompue par le rire rauque du vieil homme. Elle tenta de déchiffrer ce qu'il pouvait bien signifier, mais elle dut se résoudre à attendre qu'il ne l'éclaire.

- Oui, j'avais deviné. se contenta-t-il de répondre. N'en pouvant plus du silence qui s'installait, Jade poursuivit:

- N'avez-vous pas de questions?

M. Watson rit de plus belle, ce qui ne rassura en rien la jeune femme. Refusant néanmoins de se montrer abattue, elle attendit en souriant.

- Ne soyez pas ridicule Mlle Morgan. Je n'ai aucunement besoin de vous interroger pour savoir que je vous veux dans mon équipe. Comme je vous disais, il y a longtemps que j'attends ce moment.

Cette fois, Jade ne put masquer sa surprise.

- Vous voulez dire que j'ai le poste?

- Mais bien entendu. Et n'allez pas penser que je vous ai choisi aveuglément. Je vous observe depuis suffisamment longtemps pour savoir que vous avez tout ce qu'il faut. Vous commencerez dans douze jours, si cela vous convient. Vous n'aurez qu'à vous présenter à cette adresse.

Il lui tendit une carte, puis la raccompagna jusqu'à la sortie. Jade flottait sur un petit nuage. Encore une fois, elle avait eu ce qu'elle voulait.

♣ Le changement

Douze jours. Il n'avait pas fallu plus de temps à Jade pour se trouver un charmant petit loyer bien à elle. Elle avait pris ses parents par surprise. Tellement que son père n'avait rien trouvé à répliquer, du moins pas immédiatement. Il s'était néanmoins présenté chez elle deux jours avant la date fatidique et l'avait semée de revenir à la maison, sans quoi il n'hésiterait pas à prendre les moyens qui s'imposeraient pour lui faire retrouver la raison. À ce moment, Jade ne l'avait pas pris au sérieux. Il ne pouvait plus rien contre elle maintenant. Du moins, c'est ce qu'elle avait naïvement cru jusqu'à ce qu'elle ne se présente à l'endroit indiqué par M. Watson lors de leur rencontre. Elle avait alors senti que quelque chose clochait. M. Watson osait à peine la regarder et semblait mal à l'aise.

- Oh, bonjour Mlle Morgan. dit-il timidement. Jade ne le reconnaissait pas, lui qui semblait si assuré la dernière fois qu'elle l'avait vu.

- Bonjour lieutenant Watson. Que puis-je pour vous ce matin?

Il y eut un silence, puis M. Watson finit par lever la tête. Il regarda Jade d'un air désolé et lui dit:

- Il y a eu un changement. Je... je n'aurai pas besoin de vos services Mlle Morgan.

Un météorite lui serait tombé dessus, le choc n'aurait pas été moindre. Jade ne souriait plus du tout, elle n'arrivait pas à prononcer un mot. Elle était blanche et elle avait l'impression qu'à tout moment elle allait s'effondrer en larmes. M. Watson agitait nerveusement le chapeau qu'il tenait dans sa main.

- Ne vous en faites pas, vous avez été affecté à l'équipe de M. Forman. Il m'a demandé de vous remettre ceci. Il aimerait vous rencontrer à cette adresse demain.

Cette fois, Jade sentit ses jambes faiblir. Elle dut s'accrocher au bureau qui se trouvait devant elle. M. Forman était la pire risée de tout Phantom. Elle n'arrivait même pas à comprendre qu'un tel imbécile soit encore en service. Des rumeurs racontaient qu'il sympathisait avec les déviants, croyant même que certains d'entre eux avaient des sentiments comme les humains. Bien sûr, rien ne prouvait que ces rumeurs soient fondées. Après tout, la Phantom n'aurait pas toléré qu'un de ses membres soit un rebelle. Toutefois, la réputation de M. Forman en avait pris un coup et faire partie de son équipe était loin d'être un honneur. Jade n'arrivait pas à comprendre comment elle avait pu en arriver là. Elle avait l'impression de vivre un cauchemar, elle qui n'en faisait jamais était terrifiée. Elle revint à elle lorsque M. Watson enfila son chapeau et lui dit qu'il devait partir. Il avait commencé à s'éloigner dans le couloir lorsque tout devint clair. Elle s'élança à sa poursuite et lorsqu'elle fut à sa hauteur, elle lui dit:

- Pourquoi? Vous devez me dire...

M. Watson poursuivait son chemin sans dire un mot. Jade s'immobilisa avant de lâcher:

- C'est mon père, c'est ça? C'est lui qui est derrière tout cela?

Sur ces paroles, M. Watson se figea. Lentement, il se retourna et la regarda d'un air désolé. Il n'ajouta rien, mais il n'en fallut pas plus à Jade pour comprendre qu'elle avait raison. Après tout, son père ne l'avait-il pas prévenu?

♣ La rencontre

Furieuse, Jade s'était d'abord rendue à la maison familiale avec l'intention d'avoir une sérieuse discussion avec son père. Une fois rendue, elle s'était toutefois ravisée, sachant bien que c'était exactement ce que son père attendait. Il savait qu'elle allait s'emporter et il trouverait le moyen de la faire culpabiliser. Il la ferait chanter jusqu'à ce qu'elle ne cède et qu'elle rentre à la maison, mais cette fois-ci, elle n'avait aucune envie de le laisser gagner. Elle en avait assez de le voir tout contrôler dans sa vie. C'était sa vie à elle! Elle tourna en rond pendant un moment, cherchant un moyen de calmer sa colère, lorsqu'un passage du petit carnet lui revint en tête. Ce n'était certainement pas très approprié pour quelqu'un de son rang, mais Jade s'en moquait. Le vide à l'intérieur d'elle était si grand, il la pressait de vivre. C'est ainsi que, comme bien des malheureux le faisaient dans les temps anciens, elle se retrouva dans un bar à raconter à sa vie à une pauvre barmaid qui n'en avait probablement rien à cirer, mais qui l'écoutait tout de même. Au bout de quelques verres, la barmaid l'interrompit et lui dit:

- Tu sais, je pense avoir trouvé ce qui te ferait du bien.

Jade posa un regard interrogateur sur la jeune femme qui se trouvait devant elle. Elle attendait son remède miracle, pensant la voir lui préparer un de ces cocktails magiques qui vous guérit de tous les maux, mais la barmaid n'en fit rien. Elle s'avança vers elle, s'appuyant sur le comptoir, puis ajouta:

- Il te faut un homme, un vrai. Quelqu'un qui te fera oublier ton trou de..., enfin, ton père.

Jade s'esclaffa. Alors si elle s'attendait à ça! Un homme, bien sûr! Elle aurait bien dû se douter que la barmaid ne pouvait rien pour elle. Comme elle devait l'ennuyer... Elle cherchait seulement un moyen de se débarrasser d'elle.

- Je suis sérieuse. Et puis, tu ne l'as sans doute pas remarqué, mais celui-ci ne te quitte pas des yeux depuis que tu es arrivée...

La barmaid pointa quelqu'un du menton avant de s'éloigner pour servir un autre client. Au bout d'un moment, Jade jeta un coup d’œil dans la direction que lui avait indiquée la barmaid et elle croisa le regard d'un charmant jeune homme. Il devait faire environ son âge et il fallait avouer qu'il paraissait très bien. Il devait sans doute être le jeune héritier d'une riche famille. Quoi qu'il en soit, c'était peut-être l'effet de l'alcool (Jade n'avait pas bu beaucoup, mais n'ayant pas l'habitude de le faire, elle n'était pas très résistante), mais elle n'arrivait pas à détacher son regard du jeune homme. Ce n'est que lorsqu'il se leva pour venir la rejoindre qu'elle réalisa qu'elle n'avait cessé de le fixer. Elle eut d'abord envie de se lever également, pour s'enfuir toutefois. Elle était paniquée, elle ne savait pas comment réagir, elle n'avait jamais vécu une telle situation. Elle était sur le point de déguerpir lorsqu'elle croisa le regard rassurant de la barmaid. Étrangement, son envie de s'enfuir se dissipa, laissant place à la curiosité.

♣ La liberté

Dans les jours et les semaines qui suivirent, Jade revit plusieurs fois le jeune homme du bar. Ethan. Avec lui, pour la première fois de sa vie, elle se sentait vivante, vivante et libre. Il lui faisait découvrir un tout nouveau monde, il arrivait à tout lui faire oublier. Elle n'avait pas reparlé à son père depuis qu'il était venu la menacer chez elle. Elle s'étonnait qu'il ne soit pas revenu à la charge, mais ce qui était davantage surprenant était qu'elle n'ait pas craqué. Elle travaillait depuis quelque temps dans l'équipe de M. Forman à la Phantom. Cela aurait dû la démoraliser au plus haut point, mais, même si son travail occupait le plus clair de son temps, elle ne s'en souciait pas. Le temps passé avec Ethan effaçait tout. Plus elle le voyait et plus elle avait envie de le voir. Plus elle avait besoin de le voir...

♣ Le doute

Les choses ne pouvaient toutefois pas rester ainsi. Le rêve était trop beau pour durer. Au bout d'un moment, Jade retrouva un brin de lucidité. Ce n'était rien de flagrant, juste une combinaison de plusieurs petits détails qui lui avait ouvert les yeux. Et si Ethan n'était pas qui il prétendait être? Cette idée s'était mise à l'obséder pendant un temps, jusqu'à ce qu'elle ne mette la main sur un radarthermo et que ses doutes ne se confirment. Ethan n'était pas humain.

♣ Le dilemme

Jade aurait dû s'éloigner de lui, le quitter. C'est d'ailleurs ce qu'elle avait d'abord prévu, mais elle en était tout simplement incapable. Elle n'avait cessé de se répéter qu'il n'était qu'un objet destiné à simplifier la vie des humains, des vrais humains, mais sans jamais se l'avouer, elle n'y croyait pas. Ethan continuait de l'attirer, il savait la rendre si heureuse et, pendant un temps, il y eut plus que cela. Il y eut la curiosité. Mais pourquoi? Pourquoi lui mentait-il? Cette question la hanta quelque temps, mais elle la chassa bientôt de son esprit, trop terrifiée à l'idée de ce que la vérité pourrait lui révéler. L'ignorance était plus facile. Elle choisit donc de ne rien lui dire, de ne pas chercher à savoir. Elle réussit à vivre paisiblement pendant quelques jours, puis le rêve se brisa de nouveau. Au travail, elle apprit que la Phantom le recherchait. Qu'arriverait-il s'il le trouvait? Il n'aurait sans doute aucune chance et elle ne pourrait alors rien pour lui. Et que lui arriverait-il à elle si l'on apprenait qu'elle avait toujours su où le trouver, mais qu'elle n'en avait rien dit. On ne la comprendrait pas. On la traiterait comme une rebelle. Mais comment avait-elle fait pour en arriver là? Elle se sentait perdue, terriblement perdue. Devait-elle se protéger et le dénoncer pendant qu'il en était encore temps? Après tout, c'était ce qu'il y avait de plus raisonnable à faire. Elle n'était pas une rebelle. Elle avait toujours cru en la Brain Corporation et la Phantom. Pourquoi en douter maintenant? Elle n'avait d'autre choix que de le dénoncer. À moins d'avoir effectivement un autre choix et cet autre choix, elle l'avait. Ces aptitudes hors du commun en informatique lui en offraient un autre : celui d'effacer toutes les données concernant Ethan de la base de données de la Phantom. Seulement, oserait-elle faire une telle chose? Et si elle osait, cela suffirait-il à le protéger? Jade l'ignorait, mais elle n'était pas seule. Quelqu'un veillait sur elle. Quelqu'un qui était prête à beaucoup pour éviter de la voir souffrir comme elle a elle-même souffert auparavant. Quelqu'un qui était prête à tuer pour éviter que cela ne se produise. Mais Jade souffrirait-elle davantage si Ethan vivait ou s'il mourrait? Et l'amour ne valait-il pas la souffrance?