Samedi 3 juin, Arda. Il ne faut pas être un psychiatre diplômé de la plus haute école du monde, pour comprendre que Milan ne va pas bien. Pour voir qu'il aurait préféré mourir à sa place. Qu'il voudrait voir sa vie arrivée à son terme. Mais ce n'est pas un cyborg. Alors il doit continuer de vivre, de supporter un poids qui le culpabilise à un point inimaginable. Je le connais assez pour lire entre les lignes. Dans le temps, Milan souriait. Dans le temps, Milan racontait des blagues. Milan n'est plus. Monsieur Fiels a pris sa place. Mais pour mieux comprendre, il faudrait revenir des années plus tôt. Enfin, des mois. Lorsque la vie de Milan était au mieux. Il avait tout, il a tout perdu. Je vais tout vous raconter. Vous devez connaître Milan dans ses moindres détails avant de pouvoir envisager de l'accepter ici, parmi nous. Je le veux tout autant que vous mais... Milan a des antécédents, bons et mauvais, et vous devez les connaître. Installez-vous, ça va prendre du temps.

13 ans auparavant, Arda. Milan a dix sept ans. Il est né dans une famille normal. Ni riche, mais pas pauvre non plus. Ils se débrouillaient et vivaient relativement confortablement. Une famille unie, où aucun secret n'était maître. Son père était informaticien pour les Phantoms. Il réparait tous leur bidules, bref, il avait un bon boulot, même si il ne prenait part pour rien dans les affaires de la ville. Sa femme était mère au foyer. Ils étaient quatre. Milan avait une petite sœur du doux nom de Pénélope. De quelques années sa cadette. Ce fut à cet âge là que Milan fit la rencontre d'Annie. Une jeune femme de son quartier, rousse, aux yeux verts. Elle était splendide. Comme tout homme qui se respecte, Milan est tombé raide dingue d'elle. Et beaucoup, beaucoup de jeunes adolescents l'étaient tout autant. Elle faisait des ravages, mais contrairement à ce que vous êtes occupé à penser sans doute, Annie n'était pas une mauvaise fille. Elle était bien, bien sous tous les rapports. Et comme vous vous en doutez, sinon rien de tout ça n'aurait lieu, Annie et Milan se mirent ensemble. Ils vécurent un amour passionné, fort, les autres les jalousaient. Mais ils s'aimaient. Beaucoup. Tout dans la vie de Milan a toujours été relativement vite, comme si il prenait à peine le temps de respirer, de trouver sa voie. Non, il voulait tout avoir, être au bon endroit, être Milan Fields. Ce fut donc normal qu'à peine un an et demi plus tard, Milan quittait les siens pour s'installer dans un minuscule studio avec Annie. Et l'année d'après, alors qu'ils finissaient tous les deux leur lycée, ils partirent à la recherche d'un travail, afin de financer leur vie commune.

10 ans auparavant, Arda. A peine quelques années plus tard notre ami Milan trouve son premier et dernier travail. Et c'est ici qu'est le gros problème du jeune homme. Je sais que certains diront catégoriquement que non, il ne fera jamais partie de notre groupe. Mais il ne faut jamais se fier aux apparences, et n'importe quel homme peut changer, tant qu'il le souhaite un peu. Je vous assure, apprenez à le connaître avant toute chose. Mais je m'égare. Donc, son seul travail. Il fut engagé chez les Phantoms. Hé! Stoppez le bruit, ce n'est pas fini. Je disais donc, il trouva une place chez eux, grâce notamment à son père qui était relativement connu là-bas. Et comme vous le savez, Milan avait toujours besoin de se montrer au mieux de sa forme, à être parfait dans tout ce qu'il entreprenait, à se surpasser. Et avec son esprit aussi compétitif, aussi combatif, très vite, il parvint à gravir échelons après échelons, allant de simple soldat à lieutenant engagé. Il fit missions sur missions, et parvint à rendre à Annie et lui-même une vie digne d'être vécue. Ils emménagèrent dans un appartement luxueux, et Annie pouvait se permettre de vivre la vie d'une femme de grande classe. Durant ses quelques années, ils essayèrent d'avoir un enfant. Annie rêvait tellement de pouvoir s'occuper d'un petit être, et au fond d'elle, elle espérait que ça ramènerait Milan dans le droit chemin. Oui. Tous ici nous connaissons Annie. Annie plus connue sous le pseudonyme d'Anh Niop. Je sais, un choc n'est-ce pas ? Annie savait très bien que Milan fonçait droit dans le mur, qu'il n'était pas fait pour continuer à travailler pour une pareille organisation. Mais elle ne disait rien, préférant regarder, anticiper, et surtout, récolter des informations, pour nous. Oh, elle l'aimait. Tellement. Et lui aussi. Je suis sur que si elle lui avait parlé de tout ça, de nous, de ce qu'elle faisait réellement, Milan et Annie seraient avec nous, aujourd'hui, à nous écouter parler d'un autre type que l'on voudrait. J'en suis certain.

5 ans auparavant, Arda. A vingt cinq ans, alors qu'il était encore très jeune pour ça, Milan se voit confier une mission plus qu'importante. Cette mission dont vous vous souvenez tous. Celle qu'Anh est venu nous rapporter. Celle qui a fait tout saboter chez les Phantoms, celle qui nous a redonné une certaine lueur d'espoir. Oh bien sûr, comme on le sait tous, ils ont redoré leur blason depuis, mais ça n'empêche que ça a été une grande victoire. Et ça, ça, je sais qu'Annie s'en est voulue. Voulue d'avoir trahi Milan, même si c'était pour son, leur, bien. A tous les deux. Un moyen de se retrouver. Quoiqu'il en soit, je vais aller dans les grandes lignes, on connait tous l'histoire. C'est aussi plus ou moins à cette époque qu'il fit la connaissance d'Austen, notre cher Austen. Et contrairement à ce qu'on pourrait croire, non, Austen ne s'est pas approché de lui pour la mission. Une sorte de réel feeling est passé entre les deux. Ils se sont tout de suite bien entendu. Je suis sur qu'Austen voyait au-dessus des apparences, que Milan n'était pas simplement un bête Phantom. C'était la gloire pour Milan, il avait tout ce dont il pouvait rêver. Comme vous le savez, après des mois et des mois de travail acharné, de répétitions, d'exercices, l'unité du lieutenant Fields était enfin prête à mener à bien cette sacré mission. Il leur a fallut presque trois ans pour la mettre au point.

2 ans auparavant, Arda. Et bien sûr, la mission échoua. Détruites par nous autres, les rebelles. Fiers n'est-ce pas. Mais c'est aussi là qu'Austen faillit perdre la vie et tomba dans le coma. Aujourd'hui encore il ne s'est toujours pas réveillé. Milan fut détruit par cette perte, mais celle des trois quarts de son équipe aussi. Ce fut un réel désastre. Quand il rentra à la base, la queue entre les jambes, un bras en lambeaux, un poumon perforé, et des cicatrices qui ne partiront sans doute jamais, il eut pour la première fois, peur. Peur de ce qu'il allait avoir comme "punition". Car tout le monde le sait, les Phantoms ne sont pas spécialement... tendre avec les leurs qui foirent les missions, surtout une aussi importante, enfin bref. Étrangement il reçu juste un avertissement de son chef. Et put rentrer chez lui. Plutôt soulagé, il rentra le plus vite possible, impatient de prendre Annie dans ses bras, de lui dire que cette mission était enfin finie et de pleurer avec elle la mort de son meilleur ami. Une chose était étrange quand il rentra chez lui. La porte ouverte, des traces de pas. Un mauvais pressentiment le pris aux tripes, et il courut du mieux qu'il put à l'intérieur de sa maison. Annie, sa femme, son âme sœur, sa meilleure amie était étalée sur le sol, la gorge fendue d'une énorme blessure, qui suintait encore de son sang. Annie était morte. Morte assassinée. Un petit mot traînait à ses côtés. "Nous espérons qu'à l'avenir vous n'interférez jamais plus dans nos affaires. Profitez bien de ce petit présent". Son univers, son métier, ses gens qu'il pensait être des connaissances avaient égorgé sa femme. Son amour. Son tout. Il n'avait pas perdu que son meilleur ami cette nuit-là. Mais sa vie entière.